Quand le moyen de transport tant espéré arrive enfin, ce sont souvent des joutes verbales et même des bagarres qui se produisent. Et ça se bouscule au portillon. A un rythme infernal, se succèdent, tout au long de la journée, d’autres scènes désolantes.
Selon les derniers chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le système éducatif tunisien comprend 203 institutions d’enseignement supérieur étatiques et 68 privées.
On compte, désormais, plus de 250 mille étudiants, avec une forte concentration dans la capitale, Sousse et Sfax. Et ainsi, se déplacer dans les grandes villes n’est pas une mince affaire, arriver aux cours à l’heure est aussi un souci constant. Les responsables des compagnies de transport assurent tout mettre en œuvre pour transporter les étudiants. Mais, sur le terrain, le constat est loin d’être rassurant.
Un parcours du combattant !
La plupart des étudiants ont déjà payé des abonnements et se lèvent tôt pour espérer prendre le métro ou le bus et arriver à l’heure. Or, c’est un défi de taille et ils n’auront pas tous cette chance. Les problèmes de surcharge et de retard, la rareté des bus avec les bouchons sur les routes rendent le déplacement pénible.
Les moyens de transport public n’arrivent pas à temps. Des fois, les bus sont tellement chargés que le chauffeur passe sans marquer l’arrêt. Dans la capitale, les passagers peuvent rester à quai plus d’une heure à attendre le métro qui ne viendra pas à cause d’un problème sur les rails ou d’une panne technique. Quand le moyen de transport tant espéré arrive enfin, ce sont souvent des joutes verbales et même des bagarres qui se produisent. Et ça se bouscule au portillon. Les étudiants se trouvent ainsi pris dans des bousculades avec des arrache-sacs, des pickpockets, des harceleurs et d’autres types de délinquants.
Les plus chanceux arrivent à s’arracher un siège ou s’entassent pour rejoindre le temple du savoir. Les autres ont moins le sourire, car ils se trouvent obligés d’attendre le prochain bus. Côté confort, l’état des transports publics laisse à désirer. Vitres cassées, portières automatiques qui peinent à s’ouvrir, moteurs qui ronronnent à tue-tête.. La majorité des moyens de transport a atteint un niveau d’amortissement critique. Outre cela, dans les arrêts de bus, il n’y a souvent ni sièges ni toit pour s’abriter en été comme en hiver.
Le parcours du combattant commencé le matin se poursuit en fin de journée en rentrant. En effet, l’étudiant souffre encore d’un problème de déplacement de son établissement vers son lieu de résidence, surtout que le transport public ne dessert pas les quartiers périphériques. Rentrer avant qu’il fasse nuit devient ainsi une préoccupation quotidienne. De ce fait, les jeunes sont souvent contraints d’utiliser un autre moyen de transport, principalement les taxis individuels. Evidemment, les sociétés de transport ne proposent aucun dédommagement pour ceux qui détiennent des abonnements. Il faut alors prévoir des économies de côté, au cas où le bus ou le métro feraient un grand retard. Les abonnés qui ne peuvent pas s’offrir un taxi attentent le bus déjà surchargé et arrivent assez tard à la maison ou au foyer.
Plans B encore épuisants
A la recherche d’une solution aux bus et aux métros, un bon nombre d’étudiants préfèrent emprunter les taxis collectifs. Les tarifs ne sont pas élevés, mais ils ne mènent pas toujours là où ils veulent se rendre. Le souci prioritaire du conducteur est de rentabiliser sa journée, d’où un trajet chronométré et par conséquent augmentation des risques de la circulation.
L’option la plus chère surtout avec des trafics bien chargés aux heures de pointe reste le taxi individuel. Les chauffeurs qui travaillent sans applications en ligne se font de plus en plus rares. Certains profitent de la situation pour augmenter le tarif au grand dam des usagers qui finalement ne savent plus à quel saint se vouer.
Dans ces conditions, il faut noter que, pour les jeunes qui peinent déjà à assister aux cours, les déplacements pour les loisirs ne sont pas toujours permis et ne feront qu’accentuer leur souffrance.
Une cause d’échec et de décrochage ?
Conséquence logique liée à tous ces problèmes, les étudiants arrivent en retard au cours. Ne pouvant pas emprunter les bus alors surchargés ou en retard, ils ne peuvent qu’attendre le prochain voyage. Ils se trouvent obligés de ne pas assister aux cours qui ont lieu trop tôt ou trop tard en fin de journée. Il est évident que ce rythme agit négativement sur le rendement de beaucoup parmi eux, même si cela n’est pas reconnu comme cause d’échec scolaire. C’est le cas de nombreux élèves et étudiants qui passent 1h30 dans les transports matin et soir, arrivent tard à la maison et doivent réviser leurs leçons, faire des exercices pour le lendemain… Avec une fatigue pareille, qui nuit de manière concrète à la qualité de vie, ces conditions déplorables qui rendent les études pénibles provoquent des conséquences néfastes pouvant impacter le cursus scolaire et mener même jusqu’au décrochage.
Des solutions individuelles et collectives
En dépit des conditions difficiles de déplacement, les étudiants semblent déterminés à aller jusqu’au bout et réussir leurs études. Pour y remédier, ils font un aménagement d’emploi de temps dans leurs établissements universitaires avec des changements de groupes, demandent une permission de partir avant la fin du dernier cours et bien d’autres solutions à l’échelle individuelle. Mais ils espèrent aussi se faire entendre par les autorités compétentes.
Ce problème de transport des étudiants n’est pas méconnu. En effet, les sociétés de transport public sont toujours mises sur les bancs des accusés, pour avoir présenté une offre déficiente et de mauvaise qualité.
Il y a des travaux d’extension permanents du réseau, des efforts pour renforcer la flotte actuelle et ajouter de nouvelles lignes aux axes très sollicités. Mais cela ne change pas les choses. Il serait peut-être mieux de séparer le transport des étudiants, en ajoutant des bus spéciaux qui ne seront pas uniquement réservés aux résidents des foyers universitaires mais desservent plus de quartiers.
Permettre à des sociétés privées de s’installer avec des bus uniquement pour les étudiants aidera aussi à programmer de nouveaux trajets aux heures souhaitées et ainsi limiter les attentes interminables aux arrêts. Cela permettra de résoudre des problèmes logistiques dans la planification des déplacements ainsi que créer une sorte de concurrence qui va améliorer le service.